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L'écrit de Philippe |
Il est onze heures moins cinq et ça grogne. A moins quatre ça grogne encore. Je ne veux pas, je veux, non, je veux bien mais, non, non mais, oui, non. Onze heures moins trois nous sortons et crac, le soleil dans la figure. Ca grogne et ça rouspète. Ca marmonne que c'est nul . Ca ronchonne. Onze heures moins deux, ça fait une minute que L. n'a pas grogné, nous cheminons. Onze heures moins une, fausse fenêtre vraiment murée, silence. Onze heure, ça cloche maintenant. Ici une maison se construit. Je jette un œil sur les tas de terre remuée, trésors ? Ici la chambre est au ciel, parpaings bleutés. Plus loin une salle de bain sans eau ni savon, ferrailles dressées. Là, ça sentira la frite et le boudin, le café le matin. Onze heures cinq, petite ruelle des marronniers. Sur le mur décrépi, j'apprends que MERDE A QUI LE LIRA AIME LE CÎUR DE NOEMIE. Depuis que L. lit les graffitis elle ne geint plus. Onze heures sept, à chercher les signes amoureux du village, L. découvre son prénom dans un cœur, elle est seule dans ce cœur, alors, elle pleure. Onze heures dix, je sens l'asphalte se dresser sous la poussée des racines du grand marronnier. Onze heures onze, les yeux au sol je découvre du papier monnaie. Détrempé de rosée, il s'accroche aux rhizomes des iris de chance et de jalousie. Onze heures dix-huit, passage de la fraternelle. Dans une tache de lumière un marteau achève de rouiller, ancré dans la pierre, il finit là sa carrière. Un vieux poteau de téléphone suinte un sang épais et noir, lui aussi pleure au soleil. Onze heures vingt cinq, quelqu'un a vidé son cendrier dans les cailloux de Loire. Les premières fourmis s'enivrent de nicotine, tabac gratuit, sans taxes ni poumons. Onze heures trente. Un tas de fer agricole termine sa vie à l'ombre de l'église et le cadavre pourri d'un pigeon achève son retour à la terre. |
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