C'est d'abord un courant d'air froid et humide. Cinq trous dans la porte de bois. C'est une odeur aussi, pourriture glacée. On bascule la poignée, on pousse le battant, ça grince un peu. Les yeux s'habituent à la pénombre. Les doigts fouillent le mur à la recherche de l'interrupteur, contacts étranges, louches moiteurs. Le sol est de cailloux gluants. Un petit tas signale le trou qui s'enfonce profondément. Là sont les rats. Au mur un robinet poussiéreux est figé dans de vieilles toiles, il attend. A l'aplomb de cette quincaillerie oubliée, une vieille caisse de plastique a recueilli ses derniers suintements. Un corps de souris, gonflé de ferments, flotte entre deux eaux grisâtres. Une incroyable machine couvre tout le mur. Engrenages soudés de rouille, grappes de lampes souillées, à jamais sombres, couleurs ternies d'oubli. Deux yeux arrachés au cadavre d'une poupée oscillent doucement dans le filet d'air qui sans cesse circule. Dans son support branlant, une bouteille poisseuse attend, seule. Un tas de ferrailles emmêlées sommeille dans l'ombre, hérissement de pointes acérées, ressorts prêts à jaillir. Derrière la porte quelqu'un a cloué la tête blonde d'une barbie. Le gros clou de charpentier perce le front et déforme le visage qui grimace. Les grands yeux maquillés fixent le vide troublant de ce réduit. On frissonne et, sans tourner le dos, on recule à la lumière.