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Dortoirs et chambrées
••• I •••
Grande chambrée de quarante olibrius réunis pour des raisons scolaires dans une sorte de haras perché au troisième étage sans box; un singulier espace coupé en deux par une rangée de lavabos en porcelaine blanche et des tuyauteries apparentes qui couraient sur vingt-cinq mètres et qui gelaient l'hiver quand le froid se faisait trop rigoureux : le matin, la buée sur les vitres des fenêtres sans volet formait de petites plaques de glace qui déformait l'ombre des bâtisses que le peu de lumière artificielle qui provenait le matin d'un improbable extérieur renvoyait à mes yeux de pensionnaire, dans un intérieur, lui aussi, improbable. Trois rangées de lits en fer, un sommier métallique et un matelas plus ou moins défoncé pour un sommeil de plomb.
••• II •••

  La première fois que je pris connaissance de ce grand dortoir, espèce de navire du sommeil qui allait abriter mes nuits lycéennes, c'était dans les premiers jours d'un mois de septembre.
Les circonstances particulières de la «rentrée» provoquaient une belle effervescence. L'espace s'ordonnait en trois rangées de lits de fer -blancs-, deux longues rangées : une le long du mur sud, une au milieu faisant face à deux rangées de lavabos blancs, d'un temps révolu , à l'évier rectangulaire et au robinet en fer dont l'élément d'ouverture était en forme d'étoile. Il ne coulait de ces robinet que de l'eau froide sauf certains hivers rigoureux qui nous autorisaient une eau tiède temporaire pour éviter que les canalisations ne pètent sous l'empire du gel. La troisième rangée de lits, plus courte, parallèle aux deux précédentes, était logée entre les deux chambres des surveillants, chacune étant située à une extrémité du dortoir. La première chambre se trouvait près de la porte d'accès, la seconde, au fond, dans la direction nord-est du dortoir. Deux autres rangées de lits étaient coincées dans le fond entre la seconde chambre et la deuxième porte d'accès qui faisait office d'issue de secours. Entre chaque lit une petite armoire ressemblant à un petit coffre fort proposait un espace de rangement succinct pour nos affaires. Ces petits cubes devaient être de couleur verte, comme les dessus de lit.
Le plafond était haut, inaccessible, même en sautant sur ces vieux lits à ressorts, qui avaient servi à de trop nombreuses générations. Une résonance trouve encore un écho dans la caisse de mes souvenirs : lorsque nous dormions ou étions en train de nous endormir, le sol parqueté de longues lattes de bois résonnait de toute sa surface, non pas tant par des crissement ou des grincements mais par le martèlement des pas de ceux qui arrivaient de la séance télé.
L'année suivante, ayant un an de plus, on prenait place dans la même sorte de dortoir mais à l'étage supérieur : signe de l'ascenseur spatio-temporel.