Mon regard sur cette rue que j'ai déjà parcourue mais qui aujourd'hui me paraît inconnue

    Un cigare fumant sous un parapluie avec un homme au bout passe devant moi. Il pleut tant. "Le grand système du petit colis" me croise et fait du bruit : Pchiiiii !!!. Des corps blancs d'enfants sont déplacés puis habillés. Je me balade et m'arrête devant Russell Crowe, on se regarde et je passe mon chemin. Une dame à vélo me double. La rue est multicolore : je vois rouge, bleu, gris, blanc et rose chez Camaïeu. Chevalier Bijoutier scintille alors je m'approche de lui. Phildar nettoie. Je scrute la rue dans le reflet de la vitrine de Madison. Ah! Le fameux homme à la canne que je vois si souvent toujours solitaire. Un couple de vieux ou un vieux couple se tient ou se tiennent la main. Il démarre et roule en arrière ... bizarre !
  UN FLAN ! et un regard qui appartiennent à un homme. Il y a de vieux millésimes dans les produits d'Espagne; ils regardent, ils se demandent ce qu'ils vont acheter. Je vois "Z" qui fourmille. La petite vieille que je suis regarde l'arbre planté en 1759, elle sort un petit mouchoir violet de sa poche... je la laisse partir. Je suis choquée d'avoir en face de moi "Tout pour la chasse" qui tient tant d'objets de la violence: fusils, couteaux ... Des gens décapités... non! des mannequins dépourvus de têtes, je trouve ça étrange car pas loin de là j'ai remarqué des têtes à chapeaux chez Swan. Musidisc déborde de musique; quant aux femmes d'Innovation, elles ne sont pas très pudiques. Le boulanger expose des cadeaux, cependant ce n'est pas Noël. Un homme à la casquette lit son journal, néanmoins il s'arrête brusquement à la lecture d'un mot, d'une phrase, d'un titre...
  Je reçois un "Bonjour!" d'un passant âgé. L'homme au journal se trouve maintenant avec Musidisc, il discute avec lui, il ouvre la porte pour enfin sortir : "Au revoir monsieur". Satya, ce si beau mannequin est au magasin des lunettes 2000.
    A présent nous sommes au café. J'entends les cuillères qui frappent les tasses ou bien alors le contraire... On discute et j'apprends que Camille a une sœur, il me dit : «Elle a douze ans».
    Me voilà comme une statue, adossée à un mur blanc : deux baguettes sortent de la boulangerie elles tiennent un homme à chapeau. Des petits vieux, au sens propre, défilent devant moi. «Merci!» de la part d'une vieille dame qui quitte la maison du pain. Une dame rouge, cheveux et vêtements, est polie envers la femme au gros sac marron. Je rigole parce qu'une dame promène son chien et tous deux sont habillés en vert... Encore des couleurs... Pierre et Mathieu sont posés sur le banc et l'un deux me fait "Salut!".
    Lèche vitrine... vitrine alléchante. Une clé dans une serrure, un petit bruit , un claquement de portière, un moteur, une voiture vient de démarrer. La femme au gros sac sort et Antoine mange une feuille. Deux beaux gosses s'échappent d'une coccinelle.
    J'ai l'irrésistible envie de saluer cette vieille personne et de lui parler alors je le fais :
    "-Bonjour monsieur!
    -Hein ?
    -Je vous ai dit bonjour
    - Ah bonjour ! qu'est-ce que vous faites ?
    -On est avec notre prof de français et on note absolument tout ce qu'on observe.
    -Ah oui parce que je me demandais ...parce que je vous voyais tous là ... bien bien... Au revoir
    -Au revoir monsieur!"
        J'ai trouvé ça intéressant et marrant à vivre de parler comme ça à un inconnu, à un passant .
    Une dame chic. Drink! Une baguette est sous la pluie fine. Un monsieur dring!
    Un gars avec un baladeur . Encore un Dring! se faufilant de derrière les pâtisseries.
    Dring ! Une baguette. Dring ! Deux pains.
    Perle à la praline et la nougatine
    Sept francs cinquante pour manger un Baba
    Un Gland qui est kirsch se retrouve à coté d'un Sablé et d'Amandine Rochambeau.
    Le prof nous appelle et nous invite à rentrer dans la coccinelle. Ça sent le vieux là dedans, les gens sont froids, je rigole encore car nous sommes quatorze ados et un adulte qui débarquons, je nous compare à une bande de rebelles révoltés contre la société !!
    Je file dans le rayon des piles pour mon baladeur. Je me sens mal dans cette supérette: il n'y a que des vieux. M. Dutilleuil examine les rayons afin de nous les commenter pour qu'on les voit sous un autre angle. C'est l'heure nous sommes tous à la queue leu leu à la caisse juste pour quatre piles.
    On a évacué l'insecte et je donne dix francs à un homme qui fait la manche.
    Pour résumer cette journée en une phrase cette dernière serait :
    Mon regard fut attentif.