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Troisième évocation

 
  Le soleil hurle, des voix nous invitent. Nous entrons dans la pierre. C'est froid et c'est en dessous qu'il crie et s'affole. Mon dos de glace s'est bloqué dans un dièdre de bois. Il n'en bougera pas. La colère dévale des murs,submerge l'espace puis retombe et s'épuise lentement. La fureur s'est essoufflée, il pleure maintenant. Doucement il attend. Un retour, un son, un regard. Le silence. Et montent des crépitements, de petits grains d'énergie qui se soudent pour enfler. Et ce cri enfin. La vierge recueillie semble s'ouvrir et de terribles croix de bois embrassent les sons qui s'acharnent à crier,tentant d'apaiser ce déluge de douleur. Torturé,crucifié, le voilà à maudire maintenant. Epuisé enfin, il repousse le néant et s'envole au ciel de bois. Sa chair heurte la fresque de pierre, il s'écroule lourdement. Il rampe au sol, une traînée innommable s'étire à son passage. Dans un sursaut nerveux, il se dresse et la pierre bouillonne et se creuse. D'acides vapeurs s'élèvent et le bleu des chapelles suinte et craquelle. Il s'est relevé, a chassé la brume d'un flot d'injures puis s'est enfin posé. Il a parlé de longues phrases apaisées. Mais sans retour, point de miroir. Alors, il s'est remis à hurler. Fouettant le vide, il a tenté de chasser l'absence. Soufflant,battant, souffrant de ces noces organiques qui le mariaient à l'espace, il a pu dire et se taire. De grandes goulées aspirées puis de petits cris d'appel, de ces timidités liées au lieu. Chocs de sons, point d'objet, drame pur. Il accepte maintenant et chante et se chante. Attendri sur lui-même, il tente de s'élever, de nous échapper,de s'oublier. Il part et revient, s'emporte. Volée de coups, il ne cesse de casser et pleure ses emportements de roi, maître impuissant de ses désirs le voilà à nouveau à gémir. Mais de petits oiseaux sont entrés, enfants aux billes ouvertes.Les cris s'adoucissent. Il rit maintenant, petites quintes impudiques puis ce grand éclat qui réchauffe les coeurs. Se ressaisissant, il tourne le dos et c'est le bronze et le fer, les hurlements de la guerre. L'encre s'arrête de couler, le sang noir s'est figé.