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L'écrit du quartième landais

    

Samedi matin, dix heures trente :

Des gens ! Des gens ! partout...

Il y en a qui poussent consciencieusement leur chariot, certains qui déambulent en traînant les pieds dans les rayons. D'autres, soudain légers sans caddie, foncent en zigzaguant entre nous et ceux-là qui bloquent le passage pendant qu'ils s'interrogent sur l'opportunité de prendre des gâteaux allégés ou non !

Les visages sont concentrés pour la plupart. Un doigt sur la bouche, les femmes réfléchissent en consultant leur liste, voire parfois leur conjoint...

Le regard dans le vague, ils sont là, ces hommes indispensables qui poussent nonchalamment le chariot. Ils s'animent parfois lorsqu'ils s'approchent du rayon bricolage.

Autour de la viande, il faut faire vite : les ménagères repèrent le prix du bÏuf au kilo, transperçant de leur regard fixe les individus qui se trouvent devant elles.

Orgie de couleurs, de vêtements. Il y a de tous les styles : « anglais » avec tweed et casquette ; « beurette » sport et grosses baskets ; « mamie »cheveux bleutés et petits talons. Avec un peu d'entraînement, il devient facile de retrouver les couples et les familles.

Et dans tout ce brouhaha, tout cet anonymat voilà qu'éclatent des bulles de conversations. On vient aussi ici pour se rencontrer ! Phrases toutes faites, regards entendus, hochements de tête : on vient de retrouver son voisin, la cousine avec qui on échange des nouvelles. Parfois même les corps se rapprochent, les visages se penchent, le ton se fait grave.

Il suffit ensuite d'observer les courses déposées sur le tapis à la caisse pour que ces inconnus deviennent encore plus familiers comme cet homme avec ses plats cuisinés individuels et ses croquettes pour chien. Mais l'insolite nous rattrape encore quand cette femme à la mise soignée décharge allègrement sa vingtaine de bouteilles de vin blanc de premier prix !

Mais c'est maintenant à mon tour de me sentir observée : j'ai l'impression de capter des regards interrogatifs et méfiants du coté des caissières. Le chef de rayon a bien posé les yeux sur moi avant de composer un numéro sur son portable. Je ne me sens plus à ma place au milieu de cette foule avec ma feuille et mon crayon. L'envie me vient de me saisir d'un ou deux articles pour donner le change et sortir incognito, mais non ! J'assumerai ma tâche jusqu'au bout : je ressors fièrement les mains vides !