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L'écrit du troisième landais — Laurence

    

L'AMNÉSIQUE DU SUPERMARCHÉ

Un jour, il y a quelque temps déjà, je me suis retrouvée dans une situation étrange. Je me retrouve au milieu de voitures, sur un parking plein, le spectacle serait-il commencé ? Bizarre, des gens prennent des caisses à roulettes pour y accéder, remarquez, ce n'est pas une obligation, certains prennent juste des petits paniers en plastique, et quelques uns, comme moi, viennent en touriste tandis que d'autres très organisés ont glissé dans leur chariot une caisse ou un panier en osier. Certains sont même à la taille des enfants !

Mais, que fait-on à l'intérieur ? Je me glisse parmi ce public très hétérogène, et j'entre, je passe entre des barrières de métal, sorte de couloir de contention à bestiaux qui s'ouvre sur un univers des plus curieux.

Tout d'abord, quelques personnes au regard interrogatif contemplent un totem, je m'approche, et, sur un petit écran, s'affiche 5 Francs de réduction sur la viande « charogne », mais, comment faire pour profiter de cette réduction ? Je les laisse et passe mon chemin. Tiens, un écran de télévision émet un film publicitaire pour « Mister Polochon », personne ne s'y intéresse, je continue plus loin.

J'ai du mal à comprendre ce que fait tout ce monde en cet endroit. Là, je vois le chariot peu à peu s'emplir, attendre seul dans un coin que son locataire du moment, parti chercher on ne sait quoi le reprenne à nouveau, attendre accompagné aussi quand on vient à deux et qu'un le surveille pendant que l'autre va chercher de quoi le remplir comme au collège quand la bonne copine « tiens la porte » devant des toilettes. Mais je m'égare.

Il n'y a pas de limite d'âge, tout le monde à sa place ici, du nourrisson sur le ventre de sa maman aux papys qui profitent de l'endroit dans l'espoir de faire une rencontre. Je croise un groupe de quatre jeune retraités qui parlent des dernières nouvelles de leur village. Un peu plus loin, deux femmes se font des confidences, elles sont très proches, la nouvelle à l'air d'être de la première importance et ne doit pas être très gaie si l'on en juge par la gravité de leur visage. Je les quitte et mon attention est attirée dans une allée presque déserte où deux oiseaux se partagent quelques miettes sur le sol. « Mister Polochon » m'interpelle encore une fois, il n'a sans doute pas trouvé d'acquéreur. Un peu plus loin, la conversation de nos quatre sexagénaires bat toujours son plein au sujet de la belle-fille du cousin de l'un d'entre eux, à moins que ce soit le cousin de la belle-fille de ce dernierÉ

Il faut sortir, je me positionne derrière une file d'attente et la cheftaine, en costume bleu, me demande si je paye avec la carte « PAYRA », mais je n'en ai pas, il faut que je trouve une autre file, ici, une autre cheftaine dans le même costume bleu, me dit : « Désolé madame mais je ferme », je repars à la conquête d'une caisse et j'en trouve une où personne ne me fait aucune remarqueÉ Les autres clients me regardent d'une façon étonnante, sur le tapis roulant se côtoient fromage, chaussons, papier toilette, foie gras et bien d'autres choses encore entrecoupées par des « client suivant » et moi, je n'ai aucune offrande à mettre sur ce tapis. C'est alors que je croise le regard bleu de la caissière, c'est un flash, une révélation , elle me dit : « Vous n'avez rien acheté ? » et sur ces paroles, tout me revient en mémoire, je suis dans un supermarché.